Alors que l’Assemblée nationale a adopté cette semaine, en première lecture, le projet de loi consommation, la Fevad s’est déclarée inquiète face à certaines mesures concernant la vente à distance.
Le texte comporte en effet plusieurs mesures ayant pour objet de transposer la directive de 2011 sur les droits des consommateurs, en particulier dans le cas de vente à distance. Selon la Fédération, “certaines de ces mesures pourraient sérieusement compromettre un des seuls secteurs en France qui reste encore en croissance et continue de créer des emploi.“
En cause selon la Fevad, certains droits reconnus en matière de vente à distance qui se verront renforcés par le projet de loi. C’est le cas notamment du droit de rétractation, c’est-à-dire le droit pour le consommateur de retourner le produit commandé et d’en obtenir le remboursement. Ainsi, le délai de rétractation actuel de 7 jours est porté à deux fois 14 jours : 14 jours pour notifier la rétraction et 14 jours pour retourner le produit. Cette mesure “bien que coûteuse pour les entreprises françaises, notamment les TPE/PME, trouve sa justification dans la volonté d’aligner la norme européenne sur les régimes nationaux existants les plus favorables au consommateur” note la Fevad qui estime que “le délai de 7 jours [a] jusqu’à présent toujours été considéré suffisant pour permettre au consommateur de vérifier que le produit correspondait bien à ses attentes.“
Mais contrairement à l’extension du délai de rétractation, que les professionnels ne remettent pas en cause, certaines autre mesures issues de la directive, reprises à l’identique dans le projet de loi, “ne présentent aucun fondement réel” estime l’organisation. “Celles-ci auront, avant tout, pour effet de plonger les entreprises dans l’insécurité juridique, et de les exposer à des risques inutiles.“
Un délai de rétractation pouvant dépasser les 5 semaines
La première des mesures concerne l’exercice du droit de rétractation en cas de commandes multi-produits. En pareille circonstance, la directive prévoit que si les articles ne sont pas tous livrés en même temps, le droit de rétractation débute à compter de la réception du dernier produit livré, et ce, quelle que soit la nature des produits commandés. “A ce jour, aucune justification n’est apportée pour justifier une telle extension du délai de rétractation au-delà du raisonnable. Cette règle, qui s’explique dans les cas où les deux produits commandés sont indissociables, ne répond à aucune logique lorsqu’il s’agit de produits sans rapport entre eux et conduit à étendre au-delà du raisonnable le droit de rétractation“, estime la Fevad.
L’obligation de rembourser la commande avant même d’avoir reçu le produit en retour
La deuxième mesure contestable dans la directive, et toujours reprise à l’identique dans le projet de loi, concerne les modalités du délai de remboursement. Selon la directive, le site de e-commerce doit rembourser le client dans un délai maximum de 14 jours à compter du moment où ce dernier l’informe de sa volonté de retourner le produit. Le site dispose cependant de la possibilité de différer le remboursement au-delà des 14 jours, jusqu’à réception du produit ou de la preuve du renvoi du produit par le client, le premier de ces deux faits devant être pris en compte. La encore, la mesure est jugée “tout à fait choquante” pour l’organisation car “elle expose de manière totalement inutile les commerçants au risque de fraude”. Et la Fevad de s’étonner du “mutisme de la Commission européenne face à une menace prise très au sérieux par les entreprises du secteur, également dénoncée par l’association Ecommerce Europe qui regroupe plus de 4 000 entreprises à travers l’UE“.
Une pénalité de 5% pour les commerçants qui attendent de recevoir le produit avant de rembourser
Mais la Commission n’est pas la seule à s’attirer les foudres de la Fevad. “Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement français a par ailleurs pris l’initiative d’ajouter des sanctions disproportionnées en cas de retard de remboursement“. En effet, selon l’article 5 du projet de loi, tout commerçant qui prendrait l’initiative d’attendre le retour du produit ou de la preuve du renvoi du produit s’exposera à une indemnité correspondant à 5% du montant de la commande. Cette pénalité s’applique de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique, sous réserve, en théorie, des voies de recours que le vendeur pourra exercer contre le fraudeur.
La Fevad déclare regretter “la passivité des pouvoirs publics français et demande au gouvernement d’agir” et “la passivité du Ministre et du Rapporteur face aux préoccupations légitimes des professionnels“. Elle rappelle, en outre, “qu’il s’agit bien d’une directive et non d’un règlement européen. Or, une directive, contrairement à un règlement, permet juridiquement aux Etats une marge de manoeuvre dans le cadre de la transposition.“
La fédération demande en conséquence au gouvernement et au parlement Français de “clarifier dans la loi française, les mesures issues de la directive qui, de l’aveu de tous, méritent de l’être. Notamment en ce qui concerne le fait de limiter la règle de l’indivisibilité des délais de rétractions aux cas où la commande comporterait des produits liés ou indissociables entre eux. A défaut de vouloir résoudre les problèmes d’application soulevés par la directive dans la loi française, elle demande au gouvernement Français d’agir auprès des autorités européennes en faveur d’une interprétation sensée des dispositions concernées, en concertation avec l’ensemble des acteurs“.
Enfin, la Fevad demande au gouvernement de corriger les problèmes relatifs à l’application des pénalités, “pour lesquels le gouvernement ne saurait se retrancher derrière la directive car celle-ci en matière de sanction, laisse aux Etats le soin d’en fixer les modalités“. A cet effet, la Fevad demande “que la pénalité de 5% ne puisse courir qu’après la réception effective des produits par le vendeur, conformément aux règles les plus élémentaires du commerce qui supposent que le vendeur récupère les biens et en vérifie l’état avant même de restituer les sommes versées“.